L’Afrique est à un tournant critique. Alors que l’inflation galopante, la hausse des prix et le surendettement des États sapent les fondements économiques du continent, une vague de mécontentement social s’intensifie, menaçant de déstabiliser plusieurs pays. Les manifestations qui secouent le Kenya, l’Ouganda, le Ghana, le Nigeria et la Côte d’Ivoire témoignent d’une colère croissante face à la baisse du pouvoir d’achat et aux conditions de vie de plus en plus précaires.
Dans son dernier rapport sur les perspectives économiques pour l’Afrique subsaharienne, publié fin octobre, le Fonds monétaire international (FMI) a tiré la sonnette d’alarme. Pour la première fois, l’institution internationale a évoqué une montée de l’« agitation sociale » dans la région. « Alors que les troubles sociaux étaient en diminution, on observe désormais une résurgence inquiétante », indique le rapport. Cette situation est d’autant plus alarmante que les dépenses sociales sont amputées par le remboursement d’une dette de plus en plus coûteuse.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en République Démocratique du Congo (RDC), 6,9 millions de personnes étaient déplacées par la violence en octobre dernier, un chiffre qui devrait continuer d’augmenter. Les personnes déplacées subissent de plein fouet les conséquences d’une crise humanitaire négligée, exacerbée par des conditions économiques désastreuses.
Le FMI souligne que « la pauvreté, le manque de débouchés et la mauvaise gouvernance » sont des facteurs qui alimentent cette frustration sociale. La montée des prix et les ajustements macroéconomiques n’ont fait qu’aggraver la situation. Dans un contexte où les aides sociales sont en baisse, les populations se retrouvent dans une précarité accrue, alimentant un climat de mécontentement.
En RDC, le climat politique est particulièrement tendu. Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), a récemment rejeté l’appel à un dialogue lancé par l’opposition. Selon lui, il n’y a aucune raison de discuter avec un pouvoir qui a plongé le pays dans une crise profonde.
Le ton est également monté du côté de Alain Daniel Shekomba, ancien candidat à la présidentielle de 2018, qui a pointé du doigt l’incapacité de l’actuel président à offrir un meilleur quotidien aux Congolais par rapport à son prédécesseur, Joseph Kabila. « Les Congolais jugent sur base du nombre des repas et de la qualité de leur vie quotidienne », a-t-il déclaré, suggérant que le discours sur la macroéconomie et les politiques publiques n’était que « du chinois » pour les citoyens ordinaires.
« Le populisme de Félix Tshisekedi n’est plus attractif », déclare Daniel Shekomba. Il accuse le gouvernement actuel d’utiliser des menaces et des arrestations arbitraires pour maintenir le contrôle.
À l’échelle mondiale, la situation est tout aussi préoccupante. Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies a récemment souligné que 345 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë cette année. Le PAM appelle à une transition d’une réponse aux crises vers une approche à long terme axée sur la résilience des communautés.
Face à cette réalité alarmante, il est essentiel que les gouvernements africains prennent conscience de l’urgence de la situation et agissent pour améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. L’« économie du mécontentement » ne fait que commencer à se manifester, mais ses conséquences pourraient être désastreuses si des mesures concrètes ne sont pas prises rapidement.
S. Tenplar NGWADI